Article de presse

Spectacle Mots pour Maux – Journée Théâtrales de Carthage – Tunisie

« Depuis ce jour, j’ai toujours eu huit ans ». La parole qui libère, la parole qui guérit. Le porc était connu, il fallait le balancer. Mais à qui ? Dans une Afrique où la victime du viol est considérée comme le coupable, comment révéler, même à sa mère, la confidente, que le porc est le meilleur ami de papa. Ce tonton toujours présent, serviable. Comment laisser une fillette de 8 ans porter une telle accusation bien que conscient que « la vérité provient de la bouche des enfants ». Comment soigner un tel patient sans un examen thérapeutique des parents, de la société ?

Voilà, ainsi planter le décor de ‘’Mots pour maux’’, pièce de théâtre écrite par Maïmouna (si vous préférez Mouna) N’Diaye et mise en scène par Noël Minougou présentée le 11 décembre à la Maison de la culture IBN Rachik, à Tunis.

La pièce débute avant l’ouverture des portes. Les spectateurs sont invités à enfiler des blouses blanches. Dans la salle, ils sont considérés comme des stagiaires du Pr de Psychiatrie.  Le maître fait la navette entre deux toiles. Une placée à droite de la scène et l’autre à gauche.  Son processus de création est soutenu par une incantation dans une langue inconnue. Ses échanges avec ses collaborateurs sont tout aussi bizarres.

Sur le premier écran (à gauche) apparaît l’image de Steffi. Elle s’exprime. Les dieux de la technique ne sont pas favorables à sa prise de parole. On n’entend rien. Cela crée un malaise. Pourtant, le Pr essaie de combler le vide. Ses va et vient (entre les toiles) et ses instructions répétées à ses assistants, commencent par mettre mal à l’aise le public. L’interaction voulue entre stagiaires et professeur prend du plomb dans l’aile. Sur le même écran de gauche où est projeté une vue de la salle, du public, transparaît l’angoisse.

C’est dans une telle atmosphère qu’on entend la voix de Steffi. Elle intervient dans un enregistrement vidéo sur l’écran placé à droite. Ensuite, tout de rouge vêtu, elle apparaît au centre de la scène, dans du sable. Elle revient sur son passé douloureux. Celle d’une fillette victime de viol. Celle du silence coupable de la famille, de la société. Steffi, bien qu’adulte, a parlé dans la peau d’une enfant, d’une malade mentale. Oui. Tous ceux qu’on refuse d’écouter sont malades, fous. Leur verbe intrigue, dépasse la société. Leur vérité n’a pas sa place dans notre société.

Malgré la lourdeur des scènes de départ, la pièce favorise une introspection personnelle. Dans le silence de ces personnes écorchées à vie, chaque spectateur s’interroge sur le rôle qu’il y joue : actif ou passif ? Coupable ou complice ?

L’histoire de Steffi est fortement vécue par la comédienne. Ses larmes qui coulent dans la pièce dévoilent ses émotions. Et pour aborder un sujet aussi profond et enfoui en elle, elle a fusionné ses deux passions : le théâtre et le cinéma. Cette mise en synergie des arts soutenue par la peinture permet d’aborder le sujet différemment. Chaque art convoqué questionne, tente de comprendre, exprime la complexité du sujet. Mais aussi donne la parole à Steffi.

Pourtant, le spectacle a besoin d’être allégé, adapté à chaque scène. Les supports de projections, avec le développement des technologies de l’information et de la communication, peuvent être plus fins. Ce qui diminuerait le stress de l’équipe technique avant chaque projection, chaque représentation. Car lorsqu’un élément d’une telle pièce ne fonctionne pas, les conséquences sont tout de suite visibles.

Sanou A.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *